Je Vous Prie
Je vous prie de ne pas lire
Ces quelques poèmes,
Vous pourriez en souffrir
Et l’idée me peine
Que se serrent vos cœurs
Devant le chagrin de mon âme
Et toute sa noirceur,
Non ! cela est trop infâme.
Ne parcourez pas de vos yeux
Immaculés et innocents,
Ces quelques vers en feu
Où ne brûlent que tourments,
Où ne brûle qu’un coeur
Affligé par une triste vie,
Où s’épanche sans peurs
L’obscurité de la folie.
Une folie incommensurable
Etreignant un si petit coeur,
Exsangue et pourtant affable,
Mais tant irrigué de douleurs.
Et vous ne comprendriez pas
Que pourtant j’aime cette vie,
Mais qu’ hélas elle me rudoie
Comme les saints, les sages, les génies ;
Ne voyez pas la prétention
De m’ériger à leurs hauteurs,
L’humilité demeure au fond
Des cimes blanches de ma douleur ;
Ces cimes abyssales et solitaires
Où l’esprit incessament s’abîme
Et entend sourdre le rire de l’Enfer
Dans les confins les plus intimes,
Comme un écho obsédant
Psalmodiant d’abstruses litanies,
Et le coeur nu et tremblant
Contemple effrayé la folie ;
Léthé aux mille âmes en feu
Gémissant des cris insupportables,
Azur rempli d’étoiles bleues
Dont la lueur est insoutenable.
Voilà ce qu’est la peur
Que mes vers peuvent transpirer,
Ce que contient mon coeur
Dans ces froids instants ignés.
Tout autre sera le vers
A la rime élancée et enthousiaste,
Quand le bonheur me serre,
Lui qui m’étreint si peu, hélas !
Mais je ne mets pas en garde
Vos yeux immaculés, innocents,
Contre ces vers d’essence hagarde
Aussi candide qu’un bel enfant.
Voyez dans mes quelques vers
Un cri muet et ardent,
Et sachez que je révère
L’inestimable présent,
Sachez bien aussi que j’ honore
La mort autant que la vie,
Et si la douleur est un trésor
Alors lisez-moi mes amis.
Sol invictus